LES CORNIAUDS

1
Il adorait le foot,
Les balades en traction
Les jupons, les chansons
Tous ces bonheurs qui font
Qu’une vie est si courte.
Cet étourneau,
Ce grand costaud,
Ce passereau,
C’était mon père…

2
Les cancans, les ragots
Des « Anciens d’Indochine »
Content qu’il fut dingo
D’un souillon de cuisine
Longtemps sa concubine :
Cette fille en
Tablier blanc,
Obéissant,
C’était ma mère…

3
Peut-être qu’il l’aima,
Cette bonne à tout faire
La farce ne le dit pas
Et ceux qui la jouèrent
Sont tous au cimetière !
J’sais pas pourquoi
Je déballe tout ça :
Elles sont à moi
Ces ombres chères !

4
Faut dire que dans ce coin
Il était très commun
De greffer des gamins
Aux filles indigènes :
Nous sommes des centaines !
Ricanez pas
Fils à papa,
Fabriqués à la régulière !

5
Puis ce vieux dégourdi
Des amours ancillaires
Ramena ses petits
Mais oublia leur mère
Au milieu des soupières.
Et c’est ainsi
Salut Paris !
Que j’ai grandi
Loin des rizières…

6
Mais bien d’autres restèrent,
Anonyme marmaille,
Graines de légionnaires
Semés dans la pagaille
Des soirs de représailles.
Eparpillés
De barbelés
En barbelés,
De guerre en guerre.

7
Salut tous les corniauds,
Les indéfinissables,
Salut tous les corniauds
Sans terre ni drapeau,
Les quatorzièmes à table
Que mauvais vents,
Que temps violents
Haine et slogans
Déracinèrent,

CODA

J’sais pas pourquoi
Je déballe tout ça :
Mon monde à moi
Mes p’tites misères…