DON JUAN

1
Jadis, vous lui auriez parlé de mariage,
D’épouse, de gamins, de soirées cheminée
Il vous aurait fait : « Beurk ! », ricané au visage
Avec un bras d’honneur par-dessus le marché !
C’est que chaque saison apportait ses amours,
Jadis : acrobaties dont vous auriez frémi,
Romans-photos cuculs, sofas et petits fours,
Mensonges et jambes en l’air, mais c’était la vraie vie,
Le bon temps,
Don Juan

2
C’est la morte saison, la crise, le chômage,
Le temps de la moumoute et des rafistolages :
Les années ont passé…Le vieux n’en revient pas
Qu’une vie soit si brève et si lente à la fois.
La solitude est là, les coudes sur la table,
C’est l’œuf aux coquillettes et la télé du soir,
C’est chaque jour suivi d’un autre aussi minable !
As-tu froid dans la nuit ? As-tu peur dans le noir ?
Peur du temps,
Don Juan ?

3
C’est le bout du rouleau, le temps des cafouillages,
Mais c’est payer trop cher un peu de chiennerie :
Un organe convexe, un organe concave
Ont fait bien du dégât pour quelques clapotis !
Quel impossible amour ? Quelle sainte, quelle toquée ?
Qui, mettant son orgueil sur le même oreiller,
Pied de nez au destin et dernière complice,
Lui sera source vive, sommeil et cicatrice,
Et oubli, Don Juan ?
Et oubli, Don Juan…